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Affaire SEZNEC : Mort étrange à Quimper.

Roger Faligot enquète sur la mort mystérieuse de Jean Marie PRIOL à Quimper le 15 décembre 1935. (extrait du Ouest France N°91, 29 août 1999).
 
Affaire SEZNEC : Mort étrange à Quimper.
La noyade du chef de bureau de la préfecture , le 15 décembre 1935, était-elle accidentelle ?

Les Quimpérois sont debouts, dans le stade Kerhuel, pour applaudir Montfort, leur goal qui vient, une fois encore, de bloquer un ballon vengeur de Boccon, le célèbre avant-centre rennais A la mi-temps, le score est nul. 1 à 1 A la reprise, Quimper voit son offensive brisée par la contre-attaque des "Rouge et Noir". C'est la descente aux enfers.En fin d'après-midi, ce dimanche 15 décembre 1935, l'AS Quimper s'avoue vaincue 2 buts à 4.
D'humeur morose, les supporters quittent le stade et s'éparpillent dans les estaminets Parmi eux, Jean Priol, fonctionnaire à la préfecture, qui n'aurait raté cette rencontre pour rien au monde. Comme ses amis, il est tout chose. Et encore ne savent-ils pas qu'un drame affreux va bientôt se produire...


Photo - Guillaume Seznec, (notre photo), fut condamné aux travaux forcés en 1924. 11 ans plus tard. Jean Priol, chef de bureau à la préfecture de Quimper se noie accidentellement comme le rapporte Ouest-Éclair dans son édItion du 17 décembre 1935.
la nuit tombe. Au café de la veuve Ansquer, à la forêt en Kerfeunten, Priol "tape le carton". Une belote avec Angu, le représentant de commerce, le Du, l'employé à la Teinturerie parisienne et l'ami Selpin, autre employé de la préfecture ! Sapristi ! On n'aurait pas cru Priol si mauvais joueur. Un homme d'habitude si jovial ! Il perd la partie, paie sa tournée sans boire et sort fâché sans attendre le couple le Du qui devait le raccompagner. Cet homme-là broie du noir. II est 21 h 40. Ce fonctionnaire emprunte le chemin de l'Hippodrome pour retourner chez lui, rue de Brest. Dans la pénombre, il longe la rivière, l'Odet bouillonnante.
Ici, les témoignages divergent. Vers 22 h 15, certains entendent deux détonations. D'autres, des appels au secours. A hauteur du Café des sports, des voisins, Beaumont et Le Cam, sortent de chez eux, et voient une masse noire glisser dans l'eau à vive allure jusqu'au Moulin Méret, dont les vannes sont ouvertes en cette époque de crues.
le lundi, vers 10 h 30, un cantonnier retrouve le cadavre du malheureux à l'autre bout de la ville. le mercredi 17 décembre, l'Ouest-Éclair (ancêtre de Ouest France) publie un article intitulé "Trompé par l'obscurité, un chef de bu-reau de la préfecture tombe dans l'Odet et se noie". Mais cet homme costaud et sportif de 47 ans, qui n'avait pas guère bu, est-il vraiment mort d'un accident ?
Une rumeur sourde est parvenue jusqu'à nous aujourd'hui et m'a décidé à enquêter : Jean Priol serait mort parce qu'il en savait trop sur Seznec, condamné au bagne onze ans plus tôt. ..
Qui est ce fonctionnaire apprécié de tous ? Jean-Marie Priol a vu le jour à Saint-Malo, le 5 avrIl 1888. Il entre à la préfecture de Quimper le 5 mars 1914 comme expéditionnaire. Cinq mois plus tard, il est mobilisé pour la Grande Guerre ! Son courage au front vaut au sergent Priol la Croix de guerre. Malade, il est démobilisé en mars 1919 et réformé. Pendant la guerre, sa femme, Marie, lui a donné deux fils André et Michel, nés en 1915 et en 1917. Revenu à la Préfecture de Quimper, au début des années vingt, il devient chef de bureau au service des cartes grises. Un poste de choix à une époque où le parc automobile est en pleine expansion dans la Bretagne des " années folles ". D'autant que le corps expéditionnaire américain à Brest et ailleurs a laissé des surplus militaires, dont des automobiles, Torpedos Cadillac, Packhard ou Lincoln. Elles sont vendues à des particuliers ou aux Domaines.
C'est alors que deux hommes, le maître de scierie de Morlaix, Guillaume Seznec et le conseiller général de Sizun, Pierre Quemeneur s'associent et se mettent en chasse de telles voitures. Ils veulent répondre aux besoins d'un agent commercial, installé à Paris, un nommé Gherdy alias "Charly", qui se dit représentant de la chambre de commerce américaine à Paris. les deux compères estiment qu'ils peuvent acheter une Cadillac pour 10000 francs et la revendre le double à Gherdy.
A leur insu, ces voitures seront envoyées en URSS, alors la cible d'un embargo, au profit de la nomenklatura. Felix Dzerjinsky. Le chef des services secrets russes, a mis au point une filière pour les acheminer, via le Havre, vers la Baltique. le trafic n'est pas illicite en France, c'est l'exportation qu'il l'est. Les voitures doivent être munies de papiers en règles. Or, qui s'occupe des cartes grises dans le Finistère ? Jean Priol qui connaît depuis quelque temps Quemeneur et Seznec.
C'est ainsi qu'en mai 1923, les deux associés ont décidé de livrer une Cadillac à Paris. Seznec obtient un" passavant", une carte grise provisoire, sous l'immatriculation provisoire 3579 L.4. les deux amis partent le 25 mai 1923 à bord de l'auto qu'ils vont vendre à Paris. La suite est connue: la voiture tombe en panne. Quemeneur prend le train pour Paris et disparaît. Seznec ramène la voiture en Bretagne, et sera accusé d'avoir tué Quemeneur, à jamais disparu.
Pour prouver sa bonne foi, Seznec insiste : Gherdy alias "Charly" était l'intermédiaire. Toutefois lors du procès, l'acte d'accusation est formel: aucune trace du prétendu Charly qui apparaît comme une pure création de Seznec. Nous savons aujourd'hui que Gherdy existait bien et même, grâce au témoignage de la résistante Colette Noll (que nous avons publié en novembre 1998 dans dimanche Ouest-France) -, qu'il sera plus tard un auxiliaire de la Gestapo, tout comme l'inspecteur de la sûreté, Pierre Bonny, chargé de l'enquête dans l'affaire Seznec. (1) (2)
A Quimper, où se déroule le procès d'assises, Guillaume Seznec est condamné aux travaux forcés le 4 novembre 1924, et restera au bagne jusqu'en 1947 lorsque de Gaulle le graciera.
Seznec: coupable ou innocent ? Quelle que soit la réponse, il ne fait plus de toute que des forces occultes s'acharnaient à circonscrire l'affaire Seznec afin qu'elle ne débouche pas sur un scandale majeur. Ainsi, l'inspecteur Bonny, de la Sûreté, a bien interrogé Gherdy dès 1923, mais les procès-verbaux n'ont pas été joints à l'instruction. Il faut attendre 1978 pour que l'avocat Denis Langlois retrouve des bordereaux prouvant leur existence
Seznec se morfond au bagne et songe même à s'évader. Ceux qui croient en son innocence se démènent pour obtenir la révision du procès. L'année 1934 constitue un tournant. Première raison: l'inspecteur Bonny se trouve impliqué dans l'affaire de l'escroc Alexandre Stavisky qui ébranle la III" République. Suite à ce scandale, Bonny est évincé d'une police qui réprouve ses méthodes. Deuxième raison. le 18 février 1934, six des onze jurés, remettent en cause leur propre jugement de 1924, estimant qu'ils ont été abusés. Ils le font savoir à Brest au cours d'une réunion organisée par la ligue des droits de l'homme du Finistère.
Aussi cherche-t-on de nouveaux témoignages. Or Jean Priol est très préoccupé par l' "affaire" .Il est alors chef de bureau de 1" classe à la 2' Division chargée de la comptabilité communale, de la chasse, " agriculture et station touristique". Une des rares photos que j'ai pu voir, prise en 1934, dans son jardin entouré de ses fils, de son épouse Marie, et de sa belle-mère, Madame Roudot, dénote un sourire emprunt d'une tristesse indicible. Est-il inquiet parce que, quelques mois plus tôt, deux personnes qui en savaient long sur Seznec ont péri de mort violente dans la région de Morlaix?...
En avril 1935, un Jean Priol meurt d'un accident, selon le registre des procès-verbaux du parquet de Quimper que j'ai compulsé. Un décès dû à" une hémorragie cérébrale, de mort naturelle" note un gendarme. Mais ce n'est pas " notre" Jean Priol. Un homonyme, tout au plus, mais voilà qui a dû faire sursauter notre homme autant que nous. ..
La mort de notre Jean Priol est d'autant plus étrange, avec le recul du temps. qu'il n’a jamais été cité dans les nombreux ouvrages relatant l' affaire Seznec Pourtant selon le journaliste Pierre Denéve, peu avant sa mort, Priol a reçu la visite d'un personnage lié à l'affaire Seznec. les deux hommes se sont entretenus dans un grand hôtel de Quimper.  Qui était-il ? Que s'est-il passé ? Quinze jours plus tard, Priol était mort...
A l'hôpital de Quimper, le docteur Xavier Renault, médecin-légiste. pratique une autopsie en présence du parquet, et note que le corps est couvert d'ecchymoses. Jean Priol porte une grave blessure à la tête. Pourtant les enquêteurs concluent à un accident. le 18 décembre 1935, le défunt est inhumé au cimetière de Salnt-Marc. L'un des membres de la famille se souvient aujourd'hui" Marie Priol a été très secouée. Elle a regagné Nantes où elle avait de la famille. Ses meubles et tous ses biens furent vendus, et elle n'avait plus rien en arrivant à Nantes. C'est seulement quand elle est morte en 1984, que nous avons retrouvé trace d'éléments concernant cette mort étrange un demi-siècle plus tôt "
Marie Priol n'était jamais revenue à Quimper sur la tombe de son mari et refusait de parler de l  'accident". Avait-elle peur ? Savait-elle que son mari, témoin privilégié des transactions, pouvait témoigner, dès 1924, de l'existence du trafic des Cadillac, ce qui aurait pu changer le procès Seznec ? Avait-il décidé, en 1935, comme on me l'a dit, de témoigner en prouvant que dès le début, l'affaire Seznec était couverte par le secret d'état ?

                                                                                                                                                                          Roger FALIGOT.

(1) Suite à ces faits nouveaux, les avocats du petit-fils de Guillaume Seznec, Denis le Her-Seznec, ont demandé à la garde des Sceaux,
Mme Guigou d'examiner la possibilité d'une révision du procès.
(2) 14 décembre 2006 Contre toute attente et contre l'avis de la Chancellerie, la cour de révision rejette la demande de révision de Guillaume Seznec - http://www.france-justice.org/html/affaire_seznec/chronologie.htm

Denis Seznec décide de saisir la Cour Européenne des Droits de l'Homme.

Page créée le 25 février 2000 - Mise à jour du 14 octobre 2007

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